Accroché par l’atmosphère d’un film, vous me demandez une tenue de l’un des personnages: Un beau vêtement, qui répond à votre caractère, qui illustre une philosophie, qui vous fait changer de peau sans vous déguiser. Un vêtement de bon goût, qui vous va, coupé à vos mesures pour épouser votre morphologie. Un vêtement qui vous parle, loin du prêt-à-porter qui s’adresse à tout le monde. Un vêtement qui vous emmène dans un univers où vous écrivez l’histoire. Un vêtement qui vous habille.

C’est possible.

À partir d’un lien internet, de quelques photos que vous pouvez m’envoyer par mail, d’un tableau de peintre, j’analyse le costume et je vous apporte une solution pour le réaliser.

Mais…

Costume de scène : les défis d’une reproduction

L’illusion d’optique et la mise en scène

… l’art du cinéma et la peinture sont des arts de l’image. Tout n’est pas toujours comme il y parait. Le peintre n’a pas représenté ce qui est vraiment cousu. L’acteur dans le film n’a pas pu s’habiller tout seul et a été préparé par trois habilleuses, il ne bouge pas aussi librement dans son costume que vous dans votre quotidien.

Dans le film de Visconti Mort à Venise, le jeune homme porte sur cette photo quatre pièces d’habillement.

  1. Une chemisette à l’encolure carrée ornée de galons contrastés comme par exemple ici
  2. Une vareuse blanche avec une ganse à cordon et un col marin blanc
  3. Un foulard noir rapporté sur le col et de même forme, attaché à l’intérieur
  4. Une cravate noire drapée sous le col et nouée dans la ganse de la vareuse

Je vais proposer au client des solutions techniques qui simplifient le vêtement : intégrer une modestie sous le décolleté de la vareuse, poser le foulard contrasté définitivement sur le col, fixer les pans de la cravate en dessous.

Les étoffes utilisées ont l’air très qualitatives, je reconnais une laine mélangée qui tombe souplement. Mais comme les personnages du film n’ont pas besoin de passer leur vêtement à la machine, je conseillerai ici au client des tissus modernes où le noir ne déteint pas sur le blanc. Si le client choisit le lainage haut-de-gamme, je devrai lui proposer comme dans le film quatre vêtements au lieu d’un, et il faudra revoir son budget à la hausse.

La solution technique

Né en 1951 Christian Lacroix fête cette année ses 70 ans. Une formation en histoire de l’art, puis l’École du Louvre, précéderont son entrée chez le grand couturier Jean Patou. À 36 ans en 1987, il crée sa propre maison de couture, la marque Christian Lacroix sera revendue en 2005 à un groupe américain. Ces trente dernières années, il fait preuve d’une remarquable créativité dans des domaines variés du design, depuis le linge de maison jusqu’au mobilier du TGV, en passant par les arts de la table et l’orfèvrerie. En couture, il aime les couleurs chaudes, les traditions provençales (il est né à Arles), espagnoles, gitanes, et les costumes du XVIIIe du XIXe siècle, il s’inspire des contes de fées. Il dessine de prestigieux costumes de scène pour le théâtre et l’opéra.

Ses costumes de théâtre sont époustouflants, son sens du trait est vertigineux. Il jette des impressions de couleur, des tâches sur le papier (ou sur sa tablette graphique, il travaille avec des outils numériques)

Extrait du livre Christian Lacroix, costumier. Les Éditions du Mécène, 2007

Il s’exprime avec tout son talent dans des croquis merveilleusement suggestifs pour créer des modèles… impossibles à coudre!

Christian Lacroix confie son dessin à une armée de modélistes qui drapent, redessinent, interprètent ce qu’il a voulu dire. À partir d’un seul croquis, ses collaborateurs imaginent et réalisent une grande variété de modèles, parmi lesquels le maître choisit et tranche.

Il va sans dire que la réalisation pratique d’une telle œuvre est tout sauf immédiate. Parfois, la Haute Couture fait vraiment rêver…

Certains créateurs, au contraire, expriment avec précision le modèle final qu’ils veulent obtenir. Valentino par exemple, ou Anna Sui, produisent des croquis très figuratifs.

J’ai travaillé sur la reproduction de la cape d’Anna dans la Reine des Neige 2 de Disney. Tous les modèles de ce film sont très réalistes et transposables tels quels.

J’ai travaillé également sur le manteau de Lord Voldemort, où le manteau proprement-dit ne pose pas de difficulté particulière: On voit bien le devant droit à deux rangées de boutons, le dos cintré à plis creux, le col châle et les manches ajustées. Par contre toute la partie capuche est à mon avis une deuxième pièce drapée, portée en dessous tenue devant par la lavallière à deux pans noués que l’acteur porte sur le gilet. Il faudrait faire une étude sur les capuches de femme du 18e siècle. Mon client souhaitait que je la rattache en une pièce au vêtement principal. Je n’ai donc pas souhaité me charger de ce travail, nos visions sur la solution à apporter étant trop divergentes.

La disponibilité des matières

Cette canadienne historique fait partie de l’équipement du corps expéditionnaire de Norvège pendant la deuxième guerre mondiale. La coupe est ultra-simple, la façon efficace et basique, mais la veste est impossible à reproduire parce que on ne fait plus les peaux. Les peaux lainées que je trouve chez mes fournisseurs proviennent d’agneaux, elles sont souples et petites, luxueuses et assez fragiles. Pour notre canadienne de légionnaire, les façonniers ont pris ce qu’ils avaient, ce qui était le plus robuste et le moins cher: de bons gros moutons adultes avec des peaux assez grandes pour faire le dos d’un seul tenant sans assemblage. Ces peaux sont cousues avec une machine de sellier ou de cordonnier parce qu’elles pèsent trois tonnes.

Source internet

Les droits de propriété

Parfois, je n’ai pas le droit de reproduire un vêtement. Les robes de Julia Roberts dans Pretty Woman vous font rêver? Admirez, c’est ici : Vous devrez aller les commander chez Gucci, on trouve quelques contrefaçons ici ou là.

Un mot des tarifs

Pour faire un vêtement, voilà comment cela fonctionne: si vous produisez 200 pièces, le coût de la conception sera répartie sur les deux cents pièces. Logique. Si vous faites appel à moi, vous n’achetez pas un article produit en plusieurs centaines d’exemplaires, proposé opportunément dans ma boutique. Vous achetez une pièce unique fabriquée pour vous. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant… Alors il y a des internautes qui m’appellent et qui me demandent « quel serait le prix moyen pour ceci ou pour cela ». Il n’y a pas de prix moyen. Il y a un prix en fonction des heures que je passe, pour un vêtement qui va vous aller du premier coup, et comme un gant. J’évoquai rapidement le sujet déjà ici.

Si vous voulez du sur-mesure, ce n’est pas de la qualité moyenne, c’est du haut de gamme.

Alors on va parler de temps. Parce que pour un artisan comme pour tout le monde time is money, le temps, c’est de l’argent.

Analyser le vêtement que vous avez aimé dans un film ou dans un magazine, en faire un croquis de style puis un dessin technique, c’est le travail du styliste. Ensuite, il faut tracer un patron à partir des croquis.

C’est le travail du patronnier, qui va calculer un patron à plat en confrontant les données théoriques sur le corps humain et la connaissance des mensurations standards. Pour aller plus vite et faire d’une pierre deux coups, je garde un œil sur vos mesures à vous. Là, c’est forcément technique. Mais je suis plutôt bonne en maths (je vous en parle dans ma présentation), donc en une demi-journée, je dessine votre jupe ou votre blouse. Pour tracer le col, les revers, les manches, les drapés et les plis sur une veste ou une robe, il va me falloir une demi-journée supplémentaire.

Je vais ensuite couper et coudre le vêtement dans une toile pour réaliser un prototype, que je mets en volume sur un mannequin. C’est le travail du modéliste de draper et de corriger cette ébauche, par des retouches successives, pour que la toile tombe parfaitement et corresponde à vos mesures. En principe, c’est là qu’ont lieu les essayages, mais si vous habitez à l’autre bout de la France, je dois me débrouiller sans votre concours et prendre des risques. Je calcule ici le métrage définitif de tissu nécessaire. Je reporte sur le patron les modifications subies par la toile, je recoupe, je fais des choix techniques pour la réalisation. Par itérations successives, j’obtiens la copie parfaite de que je vais confectionner pour vous. Ces mises aux points me demandent de un à trois jours.

Lorsque tout est bien calé, avec votre accord je vais choisir le tissu dans votre budget. Me faire envoyer des échantillons, le commander, le décatir, le repasser, c’est aussi un peu de temps. Trouvez-moi votre tissu, et on on reparle.

Je passe à la confection. Le travail du tailleur et du couturier. En fonction du nombre de morceaux à assembler, des détails, des matières, des finitions que vous m’avez demandées, cela prend plus ou moins de temps. Le plus long et le plus difficile que j’ai cousu, c’était un veston pour homme tout à la main. Je vais vous dire un secret : le prix des costards de François Fillon n’est pas surévalué. En revanche, le vêtement d’Asie du sud-est, celui qui ne coûte rien à l’acheteur final et qui ne vaut rien non plus, sera payé à son vrai prix par l’ouvrière au Bengladesh ou par l’environnement. Même pour Zara, un T-Shirt ne vaut pas 3,40 euros, ce n’est pas possible.

Bref.

Il est vrai que la commande d’une pièce confectionnée sur-mesure doit être réfléchie, car même un tarif horaire modeste, comme le mien, entrainera un budget conséquent lié au nombre important d’heures de travail. Je vous invite à vous renseigner sur les tarifs des pros dans le bâtiment, par exemple ici .

Les prix pratiqués dans la distribution et le prêt-à-porter sont calculés pour une production de masse, mais si je fabrique une pièce unique, je ne m’alignerai pas sur leur prix. Je me situe dans une catégorie de prix comparable à des marques comme Armor Lux, Carl Gross, Pause-Café, Christine Laure. En pratique, sur cette page, je chiffre la vareuse col marin et la cape Reine des Neiges à 160 euros, le manteau de Voldemort à 320 euros, la robe rouge de Julia Robert à 1800euros. Plus le tissu. La tunique de la Fureur du dragon (visible sur la boutique) était à 90€ tout compris.

En conclusion,

Imaginez-vous, vous promenant par beau temps au centre-ville. Dans la vitrine d’une jolie boutique, vous découvrez soudain le vêtement idéal dont vous avez envie depuis un bon moment, ce vêtement introuvable, unique, aperçu dans ce film, et qui vous irait si bien. Vous entrez dans cette boutique pour demander le prix. La vendeuse vous dit qu’il n’en existe que deux: celui du film, qui n’est pas à vendre, et celui sur le mannequin, en vitrine, qui est exactement à vos mesures, dans une superbe qualité. Il est là, aujourd’hui, fait pour vous à un prix juste et calculé.

Je suis à votre disposition pour tout devis.

À tout de suite dans les commentaires !

Annie-Claude

2 réponses
  1. M.MOLLE
    M.MOLLE dit :

    Bonjour madame Annie-Claude,

    j’ai pris plaisir à lire votre billet très didactique sur les modalités soignées de l’idée germée à sa réalisation. On sort bien plus enthousiasmé/-e lorsqu’on réalise l’objet de nos pensées avec grand art et expertise.
    Une vertu des créations exceptionnelles et artisanales est qu’on puisse les léguer à sa nouvelle génération et en l’accompagnant de l’histoire qui se cache derrière.

    Les belles créations ne se fardent pas comme les productions massives de vêtement mais se jaugent par leur authenticité et qualité.

    Cordialement,

    Répondre
    • Annie-Claude, du blog Couture-et-Cuirs.fr
      Annie-Claude, du blog Couture-et-Cuirs.fr dit :

      Bonjour Nathan. Merci beaucoup. Je reste à votre disposition pour votre projet. Vous pouvez peut-être commencer à regarder pour le tissu pour raccourcir la durée de confection!

      Répondre

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